Canons
23 mai 2017 Jean-Luc Gehres

Canons

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Exposition du 06.04 au 24.06.2017
Vernissage le mercredi 5 avril à 19h
Le Parvis Scène Nationale – Centre d’art contemporain Tarbes

Constitué d’huiles sur toiles, de dessins au stylo bic, à l’encre de Chine, d’aquarelles sur papier (son médium de prédilection) et autres expressions sur carton ou bois, le travail graphique et pictural de Jean-Xavier Renaud s’exprime selon des supports, des sujets et des modes d’expression extrêmement variés. L’artiste vit dans l’Ain, dans la petite ville de Hauteville-Lompnès qui se trouve être le principal théâtre de son inspiration. Loin de la sphère de l’art contemporain parisienne donc, Jean-Xavier Renaud s’imprègne de la campagne où il a élu résidence, de ses paysages, son agriculture, ses habitants et de sapolitique locale dont les débats résonnent avec les enjeux mondiaux actuels (écologie, système de santé, solidarités…). Ainsi, les médias, mais aussi les conversations de bistrots, les disputes entre voisins, les querelles de clochers nourrissent régulièrement ses créations. Et l’artiste ne fait pas mystère du traitement qu’il réserve aux protagonistes de ses coups de gueule… Sa peinture, véritable catharsis, lui permet en effet d’évacuer, tout en les dénonçant, la vulgarité et la violence du quotidien. Comme si elle était le résultat d’une réaction épidermique à la médiocrité humaine. Partisan d’un art politique et subversif, Jean-Xavier Renaud, qui est élu municipal de sa commune et milite à l’échelle locale contre le développement d’un tourisme hivernal à grands renforts de canons à neige, revendique pour l’artiste un rôle majeur dans la société. Renaud regrette par exemple que les créateurs d’aujourd’hui manquent encore d’engagement : « L’art doit être vivifiant. Même si on se trompe, ce n’est pas grave, tant qu’on a réactivé l’intelligence ! Ceux qui voient dans l’art un moyen de gagner du pognon… Qu’ils vendent plutôt des Hummer ou des armes ! » ironise t-il. Ses œuvres, bien que portées par une critique sociale et politique incisive, sont également dotées d’une bonne dose d’humour. Riche de jeux de mots scabreux et infantilisants, d’évocations sexuelles, de cynisme mais aussi de poésie, son style se veut multiple, transgressif, expressif et virtuose la fois. En cela sans doute se rapproche t-il de l’art de la caricature et de la satire d’un Daumier ou de Charlie Hebdo. Mais, également, de la peinture de mœurs d’un Courbet ou de la puissance picturale d’un Immendorff. Car l’artiste, qui n’en est pas à son premier paradoxe, a ceci d’insolite qu’il déploie son travail dans des champs esthétiques variés, dénonçant d’un côté nos petites turpitudes morales et sociales, et sublimant de l’autre la nature et l’animalité, victimes silencieuses de notre perniciosité et, grâce auxquelles, il apporte à sa féroce peinture un contrepoint sensible. Pour son exposition, initulée « Canons » et présentée au Parvis, Jean-Xavier Renaud choisit de présenter un ensemble de près de 120 œuvres, mises en dialogue selon un accrochage organique créant par rebonds des associations d’images et de mots. Des scènes insolentes et d’autres hilarantes conversent ainsi avec de magnifiques peintures dignes de la lumière d’un Dürer. Une peinture spécialement produite pour l’occasion et intitulée Route des vaches 4 , présente, par exemple, de manière quasi abstraite le trajet qu’empruntent quotidiennement ces indolentes ruminantes. Traitée à la peinture à l’huile sur presque 4 x 3m, l’oeuvre fait chavirer les profondeurs, confond le haut et le bas, compose des perspectives totalement libres et joue avec fluidité et sublime des dégradés chromatiques. Pourtant, sous les dehors d’une nature sauvage et romantique, la peinture traite en réalité de l’impact de l’activité humaine qui façonne et restitue nos paysages de campagne tels que nous les admirons. Autre débordement du style, Dévotion, une monumentale peinture à l’huile, fait coexister au sein du même espace des scènes, récits et personnages qui n’ont a priori rien à voir. Dans un vacarme de couleurs, un couple exécute des figures de yoga (symbole selon l’artiste de la mode du bien-être et du développement personnel cher aux « bobos) et entre en collision avec des objets de consommation courante sur lesquels, toutefois, la nature reprend ses droits. Au fond de l’espace, construit comme un cabinet de curiosités, un ensemble d’une centaine de peintures de moyens et petits formats envahit les murs du sol au plafond. Il s’agit d’une sélection opérée par l’artiste dans la production picturale des deux dernières années. Charge au spectateur de se frayer un chemin dans cette profusion d’oeuvres et de messages qui transcrivent de manière ironique, et transgressive la vie en commun. Notre société ultra-policée tend à évacuer toutes les outrances. Bonnes ou mauvaises, l’artiste doit en interroger les raisons. Ou, mieux encore, comme le fait Jean-Xavier Renaud, en restituer la bêtise dans un geste libérateur et généreux. Car, après tout, la violence que nous assène le spectacle du monde est déjàlà et Jean Xavier Renaud ne fait que peindre l’existant,parfois en forçant le trait ou à d’autres moments en le poétisant… Un mal de toute façon nécessaire qui imprègne fortement les esprits.

Magali Gentet,
Responsable du centre d’art contemporainet commissaire de l’exposition